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30/11/2011

Le poème de la semaine

Gustave Roud

Aux bergers de la rivière on cueille
le mélilot blanc la vipérine
Le chemin mouillé noue aux collines
son collier de flaques et de feuilles
 
Les nuages les roseaux les lentes
herbes en chevelure confuse
le ciel les trois saules de novembre
descendent avec l'eau de l'écluse
 
L'air a le goût du noir gel nocturne
et se déchire au cor des chasseurs
Un oiseau perdu lustre ses plumes
avec un triste cri perce-coeur
 
Tais ce cri Nul ne le peut entendre
Ne fatigue plus ton frêle corps
Je sais qui m'appelle et se lamente
les yeux clos sous le soleil des morts
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

23/11/2011

Le poème de la semaine

Jules Supervielle

Je ne vais pas toujours seul au fond de moi-même
Et j'entraîne avec moi plus d'un être vivant.
Ceux qui seront entrés dans mes froides cavernes
Sont-ils sûrs d'en sortir même pour un moment ?
J'entasse dans ma nuit, comme un vaisseau qui sombre,
Pèle-mêle, les passagers et les marins,
Et j'éteins la lumière aux yeux, dans les cabines,
Je me fais des amis des grandes profondeurs.
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

09/11/2011

Le poème de la semaine

S. Corinna Bille

A travers mes larmes
J'ai revu les lieux de notre amour:
La colline de pins noirs
Où tremblait l'anémone
Et les étangs profonds.
 
Derrière un rocher,
Me guettant comme le chasseur,
Tu t'étais caché.
Et moi je t'attendais,
Endormie dans l'herbe rousse ...
 
J'avais traversé le fleuve
pour venir au rendez-vous,
Marché longtemps sur les routes
Et mes souliers dans la main,
Sur les pierres gluantes, je glissais.
 
Ma jupe lourde d'eau
Je la mis sécher au soleil
De ce premier printemps,
Mais qui fut le jour
Le plus long de ma vie.
 
Pour mon malheur et pour ma joie
Je t'ai suivi
Et je devins l'Epouse
Porteuse d'enfants blonds et noirs
Et de rêveries coupables.
 
Mon corps est devenu le monde
Mais mon âme est humble
Et je t'obéis.
 
Sur la colline,
La harpe des vignes est blanche encore
Et ne vibre pas.
Les lacs sont aveugles
La terre a une odeur de cimetière.
 
Mon pauvre aimé des âcres jours,
Mon Epoux,
Je sais qu'il t'a fallu errer longtemps
Sur des chemins accores
Pour rester auprès de moi.
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

26/10/2011

Le poème de la semaine

Louis Aragon

pour Catherine P

Que ce soit dimanche ou lundi 
Soir ou matin minuit midi 
Dans l'enfer ou le paradis 
Les amours aux amours ressemblent 
C'était hier que je t'ai dit
 
Nous dormirons ensemble 

C'était hier et c'est demain 
Je n'ai plus que toi de chemin 
J'ai mis mon cœur entre tes mains 
Avec le tien comme il va l'amble 
Tout ce qu'il a de temps humain
 
Nous dormirons ensemble

Mon amour ce qui fut sera 
Le ciel est sur nous comme un drap 
J'ai refermé sur toi mes bras 
Et tant je t'aime que j'en tremble 
Aussi longtemps que tu voudras 

Nous dormirons ensemble 
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
 
 

21/09/2011

Le poème de la semaine

Jean-Pierre Schlunegger

Ma plus douce lueur c'est ton corps de feuillage
Et sa limpidité prise aux sources du vent
Odeur de pomme brune et de renard filant
Quand le poids d'une bouche incline vers l'orage
 
Ma plus douce lueur ta peau fière et sauvage
Pays de l'innocence où ma main va rêvant
Ma plus douce lueur mon plus tendre sarment
Quand l'amour et la nuit me soufflent ton image
 
Robe de mon amour marronnier du soleil
Eclair illuminant la voûte du sommeil
En grappes rouge-feu tu flambes sous la pluie
 
Mais quand l'automne triste aux route de bois mort
Abat ses herses de malheur nous sommes forts
Ma plus douce lueur humaine mon amie
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

14/09/2011

Le poème de la semaine

René Char

Rivière trop tôt partie,
d'une traite, sans compagnon,
Donne aux enfants de mon pays
le visage de ta passion.
 
Rivière où l'éclair finit
et où commence ma maison,
Qui roule aux marches d'oubli
la rocaille de ma raison.
 
Rivière, en toi terre est frisson,
soleil anxiété.
Que chaque pauvre dans sa nuit
fasse son pain de ta moisson.
 
Rivière souvent punie,
rivière à l'abandon.
 
Rivière des apprentis
à la calleuse condition,
Il n'est vent qui ne fléchisse
à la crête de tes sillons.
 
Rivière de l'âme vide,
de la guenille et du soupçon,
Du vieux malheur qui se dévide,
de l'ormeau, de la compassion.
 
Rivière des farfelus,
des fiévreux, des équarrisseurs,
Du soleil lâchant sa charrue
pour s'acoquiner au menteur.
 
Rivière des meilleurs que soi,
rivière des brouillards éclos,
De la lampe qui désaltère l'angoisse
autour de son chapeau.
 
Rivière des égards au songe, 
rivière qui rouille le fer,
Où les étoiles ont cette ombre
qu'elles refusent à la mer.
 
Rivière des pouvoirs transmis
et du cri embouquant les eaux,
De l'ouragan qui mord la vigne
et annonce le vin nouveau.
 
Rivière au coeur jamais détruit
dans ce monde fou de prison,
Garde-nous violent
et ami des abeilles de l'horizon.
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

31/08/2011

le poème de la semaine

René Depestre

Mon avenir sur ton visage est dessiné comme des nervures sur une feuille
ta bouche quand tu ris est ciselée dans l'épaisseur d'une flamme
la douceur luit dans tes yeux comme une goutte d'eau
dans la fourrure d'une vivante zibeline
la houle ensemence ton corps et telle une cloche
ta frénésie à toute volée résonne à travers mon sang
 
Comme les fleuves abandonnent leurs lits
pour le fond de sable de ta beauté
comme des caravanes d'hirondelles regagnent tous les ans
la clémence de ton méridien
en toute saison je me cantonne dans l'invariable journée de ta chair
je suis sur cette terre pour être à l'infini
brisé et reconstruit par la violence de tes flots
ton délice à chaque instant me recrée tel un coeur ses battements
ton amour découpe ma vie comme un grand feu de bois
à l'horizon illimité des hommes
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

00:08 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

15/08/2011

Paul Claudel

Paul Claudel

Il est midi.
Je vois l'église ouverte.
Il faut entrer.
Mère de Jésus-Christ, je ne viens pas prier.
Je n'ai rien à offrir et rien à demander.
Je viens seulement, Mère, pour vous regarder.
Vous regarder, pleurer de bonheur,
savoir cela
Que je suis votre fils et que vous êtes là.
Rien que pour un moment pendant que tout s'arrête.
Midi !
 
Être avec vous, Marie, en ce lieu où vous êtes.
Ne rien dire, regarder votre visage,
Laisser le cœur chanter dans son propre langage.
Ne rien dire,
mais seulement chanter parce qu'on a le cœur trop plein,
Comme le merle qui suit son idée
en ces espèces de couplets soudains.
Parce que vous êtes belle,
parce que vous êtes immaculée.
 
La femme dans la Grâce enfin restituée,
La créature dans son honneur premier
et dans son épanouissement final,
Telle qu'elle est sortie de Dieu
au matin de sa splendeur originale.
Intacte ineffablement
parce que vous êtes la Mère de Jésus-Christ,
Qui est la vérité entre vos bras,
et la seule espérance et le seul fruit.
Parce que vous êtes la femme,
l'Eden de l'ancienne tendresse oubliée,
Dont le regard trouve le cœur tout à coup
et fait jaillir les larmes accumulées,
Parce que vous m'avez sauvé,
parce que vous avez sauvé la France,
Parce qu'elle aussi, comme moi,
pour vous fut cette chose à laquelle on pense,
Parce qu'à l'heure où tout craquait,
c'est alors que vous êtes intervenue,
Parce que vous avez sauvé la France une fois de plus,
Parce qu'il est midi,
parce que nous sommes en ce jour d'aujourd'hui,
parce que vous êtes là pour toujours,
simplement parce que vous êtes Marie,
simplement parce que vous existez,
Mère de Jésus-Christ, soyez remerciée !
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

05:24 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

10/08/2011

Le poème de la semaine

Gustave Roud

Tu ne sens pas ces taches de marbre glacé
là-bas derrière ton épaule.
Et pourtant le dernier sillon
touchait le mur des tombes, tu le sais.
Mais tu vis,
et ce mur aux yeux aveugles des vivants,
c'est un jardin comme les autres qu'il enclôt,
les vieilles roses visitées des mêmes abeilles.
Elles donnent comme les autres
leur miel et leur odeur.
La pluie aux pierres trop lisses
lave et dédore les noms
plus vite que l'oubli.
Pierres toujours froides,
le sang des paumes vivantes
les sépare de votre secret!
 
Quelle main de petite fille dans le brasier d'août
sur vous naïvement posée
(l'autre pleine de roses mortes)
sentira jamais la terrible source profonde
qui glace votre coeur?
 
Le tondeur des buis se retourne sous le porche
et prend joie aux primevères dorées
par le soleil moribond,
sans vous voir grelottantes, 
de roses rayons vainement, grossièrement fardées,
toutes blêmes de votre gel intérieur.
 
vous êtes lourdes comme le temps,
plus légères que le givre,
vous êtes de grands oiseaux fermés
qui épient sans trêve au-delà des siècles
l'embrasement futur de l'autre aurore,
la flèche aiguë des trompettes
qui les transpercera d'un cri.
 
Vivants aveugles!
Ils s'adossent à ce frisson qui monte en vous
nuit et jour de l'affreuse banquise souterraine
et tandis que vous tremblez contre eux
comme le rôdeur d'hiver aux portes fermées,
ils rêvent de repos.
Aveugles et sourds dans ce lieu
où chaque chuchotement de feuille est une parole,
où les lèvres de la plus pauvre fleur
crient un sombre secret d'abîme!
 
Ils respirent comme une innocente fumée
l'odeur des roses
par le vent d'un revers d'aile rabattue;
en vain l'oiseau fait scintiller
sur la grappe des feuillages obscurs
son chant d'étoile!
 
Ils s'en vont,
ils traînent dans le gravier la porte rouillée,
et derrière eux,
sous le baîllon de glaise glaciale,
fouillés de monstrueuses racines,
ceux qui ne parlent plus,
de toutes les fleurs, de tous les oiseaux,
de toutes les feuilles jettent,
jettent au vent leurs appels
comme des graines perdues...
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

03/08/2011

Le poème de la semaine

Henri Pichette

Soleil, ouvre grandes les Portes:
Ce monde est parsemé d'oeuvres douces et fortes.
Eclaire-moi, qui me veux illuminateur
Tel un fou, tel un sage, oui, tel un créateur.
Que paroles du coeur voient le jour sur mes lèvres!
Si j'ai, d'interminables nuits, tremblé
De perdre la flamme tandis que je suais la fièvre,
Jamais les champs ne m'ont apparu noirs de blé.
J'ai vu la petite Aube sourire à l'Océan.
Je ne suis plus l'animal seul
A se lamenter entre deux néants,
Ni l'insane qui songe à déserter le sol.
Parmi les hommes à la peine
Je m'instruirai.
Touché, je haïrai la haine.
Je participerai plein de coeur aux efforts
De la verte forêt toutes feuilles dehors.
L'espoir, voici l'espoir, le grave espoir lucide
Qui veut qu'âme, ombre et chair on se décide.
O prometteuses fleurs! possibles fruits heureux!
Que le sang vénéré provigne, généreux.
O le travail de la contemplative prière,
Une rosée en larmes de lumière.
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

10:28 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |